Introduction

Cette publication a pour objet l’inventaire des kiosques disparus et existants en Avesnois. Elle est le fruit de recherches entreprises en 2012 auprès des archives municipales de certaines mairies et des archives départementales du Nord.

Dans la collection « Histoire en Sambre-Avesnois », le Cercle Historique et Généalogique de Berlaimont (CHGB) a fait imprimer au second trimestre 2016 une publication que j’avais écrite et intitulée « Les kiosques à musique de l’Avesnois » (ISSN 3777-3903).

En ce qui concerne plus particulièrement le dénombrement des kiosques disparus, il a été reproduit en intégralité  dans les bulletins du CHGB parus en juin 2016, décembre 2016 et mars 2017.

L’origine des kiosques

L’histoire du kiosque est à rapprocher de celle de la musique car le kiosque est la structure qui glorifie la musique. Celle-ci a toujours été pour le Pouvoir un moyen de souder l’identité et l’unité nationale.

La proposition de la célébration des fêtes nationales par la Convention, l’obligation du chant patriotique dans les écoles avec le rétablissement de la monarchie en 1830 impulsent ce sentiment de l’unité nationale.

La musique est mise à contribution pour accélérer ce processus idéologique.

Après la Révolution, le sentiment civique prédomine au sentiment religieux, voire lui succède.

La démocratisation de la musique passera par son enseignement.

Alors que le phénomène nouveau des ouvertures de salles de concert ne concerne que la bourgeoisie, la musique quitte les salons feutrés de l’aristocratie pour investir l’espace public. Elle est ainsi en 1833 portée par la naissance de chorales au sein d’une association appelée l’Orphéon.

L’Empire, dans le cadre de sa politique de réconciliation nationale, affirme sa volonté de propager la musique vocale dans les classes populaires.

La culture musicale se propage alors de façon prodigieuse.

Quant au Second Empire, avide de célébrations patriotiques majestueuses, il met en exergue le mouvement orphéoniste.

En faisant chanter la France, l’Etat à travers ce mouvement qui atteint son apogée dans les années 1860, a pour volonté d’occuper les ouvriers en mettant une trêve à leurs ennuis, en leur permettant de se délasser et aussi en trouvant un remède à leurs souffrances.

C’est ainsi la première organisation collective du temps libre dans un contexte où le contrôle de l’Eglise sur les masses s’affaiblit.

L’édification des premiers kiosques à musique sous l’Empire (1852-1870) s’inscrit dans ce vaste programme musical soucieux avant tout de « moraliser » le peuple.

Même si la répression sanglante de la Commune en 1870 fait évanouir le grand rêve de la réconciliation nationale, les responsables politiques après la défaite contre la Prusse mettent le patriotisme au rang des valeurs à réhabiliter.

L’instruction civique et la musique se révéleront être les moyens les plus perspicaces.

La bourgeoisie après avoir vaincue la classe ouvrière en 1871 entreprend alors avec succès une lutte idéologique autour de l’idéal républicain contre l’Eglise et la Noblesse.

Le kiosque est l’accessoire indispensable à ces idées patriotiques.

La multiplication des kiosques entre 1870 et 1914 s’inscrit donc dans cette politique d’exaltation des esprits et de renforcement des sentiments nationaux, bref de  reconquête idéologique. Il est important ici de souligner la place que représente le programme d’éducation musicale initié par les pouvoirs publics : la musique est considérée à l’époque comme un moyen jugé déterminant pour souder l’unité nationale. 
L’Avesnois concentre la majorité des kiosques à musique du département du Nord.

Deux types de Kiosques en Avesnois

Le kiosque de concert de forme octogonale et de plein pied est la version populaire de la salle du même nom. Il est un lieu de rencontre et d’agrément de la petite bourgeoisie, réunie pour le concert dominical. Il est également utilisé par les harmonies municipales et les fanfares militaires.

Le kiosque à danser est une particularité de notre région. Il sert lors des bals de ducasse et de celui du 14 juillet. Entièrement métallique, il se présente sous la forme d’une plate-forme surélevée sur laquelle les musiciens prennent place pendant que les villageois dansent tout autour du kiosque. Certains sont de forme ronde et soutenus par un fut central, d’autres rectangulaires avec un nombre de pieds qui peut varier.

Conclusion

Ces kiosques sont le symbole d’une époque, une matérialisation de notre histoire sociale. Ils traduisent les traditions musicales solidement implantées dans notre région où les fanfares, les harmonies, les chorales étaient légion.

Le désintérêt des kiosques de concert est survenu dès lors que des médias de masse comme la Télévision ou le Cinéma ont diffusé de façon beaucoup plus efficace l’idéologie que servaient ces kiosques.

Le silence des kiosques à danser s’est fait sur les places avec l’arrivée des moyens de locomotion qui ont permis aux adeptes de la danse de se rendre dans les salles de bal.

Est-ce à dire que cette désaffection est irréversible, autrement dit que les kiosques  n’ont plus leur raison d’être sur les places de nos villes et villages ?

La réponse est non à double titre :
– sur le plan mobilier urbain le kiosque est un élément architectural qui a fière allure sur nos espaces publics ;
– dans le domaine événementiel le kiosque peut être réinvesti de multiples fonctionnalités.

Tout d’abord, le kiosque à musique a une fonction décorative et symbolique. Il a une forme élégante, une architecture gracieuse, un style original. Cet édifice raffiné se démarque sur nos places stéréotypées. C’est bien souvent sa présence qui donne à la place l’essentiel de sa valeur et de son attractivité. Le raisonnement est encore plus vrai pour les kiosques à danser circulaires.

Il est aussi l’incarnation d’une époque, une matérialisation de notre histoire sociale. De nos jours nous éprouvons la nostalgie des symboles et en particulier celui du kiosque qui occupe notre émotionnel. Ce rapport affectif vis à vis de cet objet métallique nous rappelle en effet nos ancêtres.

Au-delà de cette fonction symbolique déjà en elle-même suffisante pour justifier  la protection de ces kiosques voire de les faire revivre, nous pouvons nous interroger sur les usages potentiels de ces kiosques.

Certains kiosques de concert continuent de recevoir un public dans le cadre de l’opération « Le kiosque en fête », manifestation politique champêtre née en 1979 . A partir de cette date certaines communes commencent ainsi à réhabiliter leur kiosque.

Si pour des raisons techniques le renouveau musical du kiosque de concert est compromis ou tout simplement impossible, il faut donc mener une réflexion beaucoup plus large. Le kiosque de concert peut  alors retrouver une nouvelle vie en faisant de sorte qu’il puisse être ouvert ou fermé selon les conditions climatiques. Il peut aussi être transformé en lieu d’exposition, de détente, de lecture, d’aménagement floral, d’endroit ludique etc etc…

Quant au kiosque à danser, son avenir se présente sous des augures encore meilleures que le kiosque de concert. En effet le regain pour les fêtes traditionnelles montre que ces édifices ont encore un bel avenir en perspective. Nous pouvons aussi élargir la vocation culturelle du kiosque à danser en l’utilisant comme spectacle de marionnettes par exemple. Ce sont des idées relatives à l’animation culturelle qu’il nous reste à trouver, au cas par cas.

En résumé le kiosque se trouve doté d’une double signification : une valeur symbolique avec un référentiel historique qui nous permet de nous replonger dans un autre temps et une valeur d’usage culturelle qui dépasse celle de la musique.

Le maintien et le renouvellement de ces kiosques supposent avant tout la recherche de cette valeur d’usage.

J’espère à travers mon article que les mairies concernées par la disparition de leur kiosque se poseront la question de savoir s’il ne serait pas intéressant de revoir leur place publique ornée de ces édifices.                Je souhaite également que ce catalogue contribuera à la préservation des kiosques exitants, éléments de patrimoine et de culture populaire.

Jean Pierre CARRE